La pêche au ver de terre (2)

La partie 1

Marcel Lapourré

Avril 1949

S’il est intéressant de connaître les diverses montures décrites le mois dernier, c’est afin de pouvoir les utiliser pratiquement et à bon escient.

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Généralement les pêcheurs au ver s’intéressant surtout à la truite, nous commencerons par essayer de prendre ce beau poisson.

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La pêche au ver de terre

Marcel Lapourré

Mars 1949

Depuis que le premier homme a eu l’idée d’extraire de l’onde un de ses habitants, à l’aide d’un fil et d’un hameçon, il a, très probablement, utilisé le ver de terre (lumbricus) comme appât, d’abord parce qu’il est accepté avec empressement par tous les poissons, ensuite parce qu’il est très facile de se le procurer.

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Pourquoi le poisson, quel qu’il soit, est-il si friand de cet annélidé qui ne vit pas, comme les larves aquatiques, dans le lit de la rivière ?

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La pêche aux insectes vivants

Marcel Lapourré

Délégué au Fishing club de Fance

Avril 1946

Depuis que l’homme a essayé de capturer les habitants de l’onde, il a utilisé, comme appâts, des insectes naturels. Bien qu’à notre époque la science halieutique ait évolué vers la perfection, les mêmes esches sont encore en honneur, et de nombreux professionnels des campagnes les emploient exclusivement.

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Ils les présentent à leurs victimes éventuelles non pas comme un être vivant, mais comme une pauvre bestiole, roulée par le courant ou inerte en surface, en tout cas privée de mouvement.

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Ouverture de la pêche à la truite.

Marcel Lapourré.

Délégué du Fishing Club de France

Février 1942

Officiellement, la pêche de la truite est ouverte, dans beaucoup de départements, depuis le 1er février. Ce n’est certes pas une date bien choisie, pour plusieurs raisons : d’abord la plupart des truites n’ont pas encore frayé si les eaux ont été très froides et hautes, au cours de l’hiver ; celles qui ont déposé leurs œufs sont dans un tel état de maigreur qu’elles n’offrent, au point de vue purement sportif, qu’une bien minime satisfaction.

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Elles ont perdu une grande partie de leur vigueur et ne sont plus les poissons combatifs qu’elles étaient, il y a quelques mois.

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Le papillonnage.

Marcel Lapourré

Délégué au Fishing-club de France

Septembre 1952

La cuiller étant le leurre par excellence de tous les lanceurs de ferblanterie, il convient de lui consacrer, de temps à autre, quelques lignes pour l’édification des nouveaux adeptes.

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Je sais bien que plus de la moitié des lanceurs « léger » pèchent avec n’importe quelle cuiller, et n’importe comment, qu’ils parviennent même à accrocher quelques voraces, longs comme le doigt, et qu’ils conservent, hélas !

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Amont ou Aval ???

Marcel Lapourré,

Janvier 1950

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Les apprentis du lancer (lourd ou léger) vont s’écrier : « Quelle importance cela peut-il bien avoir de pêcher en remontant ou en descendant le courant ? On choisit la façon la plus commode, tout simplement. »

Eh bien ! non, car la façon la plus commode d’accomplir une action, n’est pas toujours la plus efficace.

Réfléchissez, lecteurs, et vous conviendrez que, même en dehors de la pêche, mon affirmation s’avère exacte dans bien des cas.

Donc, nous allons essayer de démontrer comment et dans quel cas la progression du leurre vers l’amont ou vers l’aval est à pratiquer.

Nous poserons comme règle générale que, dans un cours d’eau ordinaire, je veux dire ni trop lent, ni trop rapide, avec un fond moyen au-dessus de 40 centimètres, il n’est pas d’hésitation possible ; on doit lancer en amont et récupérer vers l’aval.

Il faudra que le pêcheur ait déjà quelque expérience du lancer et de la manœuvre de son moulinet ; le leurre doit, en effet, progresser à une vitesse supérieure à celle du courant si on veut qu’il ne soit plaqué irrémédiablement sur le fond.

Cette précaution est surtout à observer avec les leurres de forte densité, métalliques surtout ; elle est moins importante avec un poisson mort qui évoluerait en zigzags avant de plonger.

Tout leurre ainsi ramené a tendance à piquer au fond, surtout si le profil de la plombée l’y contraint. Il faudra donc veiller à ce profil et lui donner en tête un léger plan de redressement et non l’inverse.

Quel avantage y a-t-il à pêcher up-stream, comme disent les Anglais ?

Nul n’ignore que les habitants de la rivière, quels qu’ils soient, font toujours face au courant, tant pour lui résister que pour happer au passage les particules nourrissantes qu’il transporte.

Ils n’ont qu’un court instant pour examiner ce qui descend et pas d’autre moyen de contrôle que leur bouche ; aussi est-ce prestement qu’ils cueillent au passage les menues friandises (ou supposées telles), quitte à les rejeter si elles ne sont pas gustatives.

Les carnassiers, eux, ne se trompent pas, et, comme ce sont surtout ceux que nous recherchons, tout va très bien …

Le poisson mort, la cuiller, le devon descendent au courant à proximité d’un vorace ; celui-ci se soulève à sa rencontre et, d’un rapide coup de gueule de côté, le stoppe net. Le choc du ferrage arrive en sens inverse de l’attaque ; l’accrochage est certain et profondément solide.

Les ultimes cabrioles de la capture n’effaroucheront pas les poissons de l’amont et, à un mètre plus haut, le drame ne s’est pas fait sentir. Vous pouvez recommencer.

Voilà donc deux avantages bien marqués de la pêche en amont.

Voyons donc les inconvénients de la pêche en aval.

Oh ! je sais bien que c’est plus commode pour récupérer ; on peut se permettre un moment de répit dans le maniement de la manivelle ; le leurre, sollicité par le courant, tournera tout de même ; on pourra faire du « sur place » si on y tient, ou si c’est nécessaire pour insister en un bon endroit, mais, par contre, le carnassier peu affamé ou méfiant a suivi l’appât sans l’attaquer. Il veut l’examiner et, ma foi, fort souvent, il crochète et s’enfuit, ayant vu le piège et réfléchi : il a eu le temps, ce qui n’était pas possible précédemment.

Combien de fois avons-nous vu de belles truites tourbillonner autour de la petite cuiller sans se décider à sauter dessus ? Les grosses pièces connaissent leur affaire et sont plus circonspectes que les « sardines ».

Mettons donc toutes les chances de notre côté.

En tout cas, en ce qui concerne la truite, je recommande vivement à mes jeunes confrères de pêcher en amont.

Ils auront 50 p. 100 de chances en plus en leur faveur.

Cependant il est des cas où il serait impossible de pêcher ainsi : en eau mince, en eau rapide, en eau très encombrée. Je m’explique :

Par eau mince, j’entends : de faible profondeur ou frôlant une chevelure d’herbes aquatiques, vrais nids à poissons, il nous faudrait récupérer trop vite pour utiliser le peu d’épaisseur de l’eau, et notre travail serait inefficace.

Il en est de même en eau très rapide, où la progression devrait être très accélérée afin d’éviter le plaquage au fond.

Dans les eaux très encombrées, nous ne pourrions diriger avec précision notre leurre au milieu du fouillis, chose relativement aisée dans le sens contraire.

Le « sur place » dont je parlais tout à l’heure nous permettra des changements de direction efficaces et surtout indispensables, par le simple mouvement de la canne. J’ajoute qu’il faut avoir déjà une certaine habitude pour être ainsi maître du contrôle de l’appât, mais, pour un pêcheur aimant son sport et s’appliquant à s’y parfaire, c’est un jeu agréable et passionnant.

Varions donc nos procédés de pêche selon le cours d’eau que nous explorons et même varions nos leurres.

Le poisson mort aura toujours une supériorité sur tout autre appât dans la pêche en amont ; il ne sera pas arraché de la monture par le courant, comme dans l’autre cas ; sa faible densité et sa forme lui permettront d’être tentant sans une trop vive récupération.

Vous remarquerez donc que je ne suis pas absolument féru de l’un ou l’autre de ces deux procédés. C’est une affaire d’observation et d’opportunité : il faut savoir choisir et opérer à bon escient.

C’est à pied d’oeuvre qu’on peut et doit se rendre compte ; mes causeries n’ont pour but que d’aiguiller les débutants vers une solution convenable et leur éviter les ennuis d’une initiation faite à leurs dépens et bien souvent décourageante.

La sortie.

Marcel Lapourré,

Délégué du Fishing-Club de France.

Avril 1952.

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La gent aquatique obéit à des directives impérieuses que lui imposent l’instinct et l’atavisme ; les pêcheurs sachant observer ont pu se rendre compte qu’elles sont immuables, à tel point que, depuis plusieurs années, un ichtyologiste averti a pu déterminer à quelles heures de la journée les truites se mettaient en chasse. Il a condensé ses observations dans un recueil qu’il a nommé : Tables solunaires de Knight.

Il faut leur reconnaître, sinon une rigoureuse exactitude, une valeur certaine, précieuse en bien des cas. Personnellement, car je me fie surtout à mon expérience, j’ai pu me rendre compte qu’elles m’avaient permis d’être au bon moment sur la rivière.

Cependant, tous les confrères n’ont pas pour se guider de telles précisions, soit qu’ils demeurent sceptiques à leur égard, soit qu’ils les ignorent.

En règle générale, la truite et l’ombre connaissent, à certains moments de la journée, un besoin impérieux de se nourrir : à l’aube, vers midi et le soir, au crépuscule ; il est curieux d’observer que toutes les truites de la rivière semblent obéir, au même moment, au même ordre, et cessent de même, toutes à la fois, de s’intéresser aux insectes.

Trois fois par jour ? Comme les humains, alors, dira-t-on.

Eh oui ! quoique ce ne soit peut-être qu’une coïncidence ; sait-on jamais ?

Je suis bien certain que les vieux coureurs de rivières, les pêcheurs chevronnés seront d’accord avec moi pour situer à ces heures-là leurs plus grandes chances de captures.

Il n’est tel, voyez-vous, que la pratique pour se faire une idée exacte du comportement des poissons, et toutes les causeries, tous les grimoires et tous les conseils ne sont que des guides, sans plus. S’ils évitent, parfois, les déboires désespérants de l’initiation, ils ne peuvent, en aucun cas, les supprimer radicalement, sans de persévérants essais.

Essayons donc de guider nos jeunes confrères vers les abords du succès.

La nuit a été très noire, la truite n’a pu trouver toute la nourriture qu’elle escomptait pour calmer sa faim et … voilà l’aube.

Les éphémères tombés à l’eau pendant la nuit flottent en surface, les ailes à plat, morts d’épuisement après la ponte crépusculaire, ou peut-être aussi parce qu’arrivés au stade final de leur existence précaire.

L’un après l’autre, ils sont happés goulûment, sans hésitation ni méfiance, dans le calme et le silence ambiants.

Le pêcheur à la mouche sèche ou noyée, connaissant bien son affaire, est certain de faire des victimes, en truites moyennes surtout, car les grosses, plus méfiantes, ont regagné leur repaire, dès les premières heures du jour.

Si la manne a été abondante pendant la nuit, l’appétit du poisson sera vite calmé, et, seuls, quelques affamés continueront leur chasse plus avant.

Nous ne compterons guère, à ce moment, faire des merveilles, sauf exception, évidemment.

Puis, vers midi, les « ronds » se reforment à la surface ; de-ci de-là, tels de minuscules voiliers, les gracieux éphémères, bien vivants ceux-là, leurs ailes diaphanes dressées verticalement sur leur corps filiforme, voguent, s’envolent, se reposent en un incessant carrousel vibrant et varié.

C’est le moment, c’est un des moments, de la mouche sèche, très petite et flottant bien.

Une extrême finesse du bas de ligne est indispensable, et, si le soleil brille, vous vous trouverez bien de frotter vos racines, avant la pêche, avec une feuille d’oseille pour en atténuer le brillant. Précaution superflue ? Minutie exagérée ? Mais, là plus qu’ailleurs, nous pourrons dire : « Qui veut la fin veut les moyens. »

Je vous conseille de n’émettre une opinion péremptoire qu’après avoir constaté le résultat de cette petite opération.

Les montées ne durent pas à ce moment de la journée ; rarement une demi-heure, laquelle suffit parfois à faire un panier présentable.

La truite paraît s’offrir un lunch plutôt qu’un repas substantiel.

Puis c’est le calme pour tout l’après-midi.

Le vrai pêcheur se reposera lui aussi ; il ira déjeuner, car je suppose bien qu’il n’aura pas commis cette hérésie halieutique de s’approcher du restaurant ou de la voiture autour de midi ; il serait alors impardonnable.

Et c’est le soir !

Le soleil baisse à l’horizon, c’est l’heure des grandes ombres ; l’heure des émotions fortes s’approche.

Petit à petit les ronds se précisent, deviennent plus nombreux et, bientôt, de toutes parts les truites moucheronnent.

Ne vous pressez pas ; identifiez les insectes qui passent autour de vous, cherchez à reconnaître l’essaim nuptial qui monte et descend sans arrêt, dans la poussière dorée du soleil qui décline, en une sarabande ininterrompue.

Ce moment du crépuscule est bien caractéristique, les soirs de beau temps ; partout, éphémères, sedges ou phryganes s’abattent sur l’eau, pondent et meurent.

Quel régal pour la truite !

À mesure que l’obscurité descend, les gros insectes s’avèrent plus nombreux ; peut-être parce qu’on ne voit plus les petits.

Seuls, paraissent encore, dans le bal, les gros sedges, les bizarres phryganes, les agrions, et leurs chutes ponctuent la surface de l’eau.

Attention ! les grosses truites, les matrones prudentes et malignes en diable se sont risquées en pleine eau et prennent leur large part au banquet de la nature.

Du bout des lèvres, sans aucun bruit, d’une succion précise, elles aspirent l’insecte, ridant à peine l’eau ; contrairement à leurs jeunes sœurs qui bondissent pour retomber, tête première, sur leur proie, les grosses bêtes agissent en pirates avisés et avertis.

Pensez toujours que les petits ronds sont généralement produits par les plus grosses truites, et que le ferrage doit être instantané sur tout tourbillon où vient de disparaître votre mouche.

Ce ferrage doit être la conséquence d’un réflexe. Exercez-vous sur les ablettes, critérium certain d’un apprentissage poussé à fond.

La nuit est venue ! L’heure légale est passée ! Quel dommage ! Le panier serait vite plein …

Hélas ! il nous faut céder la place aux braconniers, si nous ne voulons pas nous-même être assimilé à un vil pirate, pour pêche de nuit.

Glissons sur ce terrain, ce sera préférable.

Tout ce que je viens d’écrire ne représente que des idées générales, soumises à bien des modifications.

Ainsi, lorsqu’il pleut légèrement, surtout au printemps, par une de ces journées basses et tièdes, ne quittez pas la rivière, abstenez-vous même de manger, si réellement vous êtes un « vrai de vrai » ; vous aurez des touches à tout moment, surtout en mouche noyée.

Lorsqu’il neige — mais non quand l’eau est polluée par la neige — ne croyez pas que c’est une certitude d’insuccès ; loin de là ! L’ombre paraît excité par les flocons, et de toutes petites mouches, de couleurs vives, seront acceptées avec empressement ; la truite aussi sera mise en appétit.

Et pourquoi ? Il est à supposer que nos deux étourdis, se précipitant sur le flocon dès son contact avec la surface, sont tout étonnés de le voir disparaître dès qu’il a touché l’eau. Nos mouches restant seules visibles, c’est sur elles qu’elles attaquent sans hésitation.

D’ailleurs, dès que cessera la chute de neige, nos mouches seront dédaignées.

Par orage, avec accompagnement de coups de tonnerre, il est inutile de pêcher, mais, si l’eau reste limpide, après le déluge, truites et ombres se remettront en chasse.

Pour terminer, je dirai que mon bavardage n’empêchera pas les confrères atteints du virus halieutique de faire voltiger leurs mouches à longueur de journée, sans autre considération que les beaux lancers élégants et précis, dans un décor de rêve et un calme reposant.